RIMBAUD AUX SIENS

Harar, 16 avril 1881.

Chers amis,

J’ai reçu de vous une lettre dont je ne me rappelle pas la date : j’ai égaré cette lettre dernièrement. Vous m’y accusiez réception d’une somme de cent francs ; c’était la deuxième, dites-vous. C’est bien cela. L’autre, selon moi, la 3e c’est-à-dire, ne doit pas vous être parvenue : ma demande a dû être égarée. Gardez ainsi ces 100 francs de côté.

Je suis toujours en suspens. Les affaires ne sont pas brillantes. Qui sait combien je resterai ici ? Peut-être, prochainement, vais-je faire une campagne dans le pays. Il est arrivé une troupe de missionnaires français ; et il se pourrait que je les suivisse dans les pays jusqu’ici inaccessibles aux blancs, de ce côté.

Votre envoi ne m’est pas encore parvenu ; il doit être cependant à Aden, et j’ai l’espoir de le recevoir dans quelques mois. Figurez-vous que je me suis commandé des tenues à Lyon, il y a sept mois, et qu’elles ne songent pas à arriver ! Rien de bien intéressant pour le moment. Je vous souhaite des estomacs moins en danger que le mien, et des occupations moins ennuyeuses que les miennes.

RIMBAUD.